Tribune par Serge Kalisz : L'école d’architecture de Nanterre

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L’école d’architecture de Nanterre est fermée en 2004 par décret pris en 2001.

Quelle est sa place dans l’histoire de l’architecture ?

Quel est l’avenir de cet édifice ?

Dès sa sortie de terre, son architecture fut valorisée à travers de nombreuses publications : revues d’architecture, livres d’histoire de l’architecture, depuis Le guide de l’architecture contemporaine publié en 1970 par Ionel Shein aux éditions Vincent et Fréal, jusqu’au livre de Frédéric Seitz Gustave Eiffel, le triomphe de l'ingénieur publié en 2014 aux éditions Armand Colin.

Dans le journal de Nanterre, Nanterre Information de mai-juin 1971, on peut lire :

« Un bien curieux bâtiment en éléments préfabriqués rouges et noirs est actuellement en construction rue de Courbevoie. Il s’agit de l’Ecole nationale d’architecture… »

L’école, conçue par les architectes J. Kalisz et R. Salem et l’entreprise GEEP, est reconnu au plan international comme une œuvre expérimentale, rare exemple de préfabrication métallique en France.

« Notre fierté est d’utiliser des produits du commerce pour faire de l’architecture et non pas e concevoir des produits spéciaux aux seuls fins d’architecture », telle est le choix de l’architecte J. Kalisz.

Bâtiment emblématique de l’architecture française des années 1970, « Elle est un bel exemple de l’architecture industrialisée et modulaire de cette époque….Cette opération est un exemple inégalé de recherche d’une architecture nouvelle liée à une utilisation renouvelée de la technique. C’est un des exemples les plus élaborés et les plus aboutis de l’architecture industrialisée de cette époque, promue à l’échelle internationale par un certain nombre d’architectes… » (Frédéric Seitz, revue ACIER, février 2012).

Elle est aussi symbolique d’une philosophie de l’humanité : sa modularité favorise l’appropriation par les usagers et le développement de nouvelles pédagogie ; son rez-de-chaussée est conçu comme un espace public destiné à favoriser les échanges entre étudiants et habitants.

Après sa fermeture, le 5 juillet 2005, la délégation permanente de la  DRAC Ile de France a voté à l’unanimité son passage en CRPS… « Mais souhaite qu’auparavant les négociations sur l’avenir du bâtiment se soient stabilisées et aient débouché sur un véritable projet de réhabilitation »….échec….

Que faire du bâtiment ?

Depuis 2005 le bâtiment est mis en vente par l’État sans qu’aucune négociation n’ait abouti. Il est régulièrement saccagé. Depuis 2010, plusieurs associations, soutenues notamment par des dizaines d’historiens, par le Président de la Cité de l’architecture et du patrimoine ont sollicité le Président de la République, les ministres qui se sont succédés tant au ministère de la Culture et de la Communication qu’au ministère des Finances, de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie.

Les démarches ont été soutenues par des élus – sénateurs, sénatrices, députés.

Les réponses récurrentes aux demandes sont souvent établies sur le même registre : « La Ministre a pris connaissance de votre correspondance …je vous invite à prendre l’attache du secrétariat de… », ou bien « L’orientation soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication…est celle proposée par le groupe Alain Ducasse… », qui a échoué…ou encore, « C’est la recherche d’une solution de reconversion respectueuse de l’architecture qui continue à être privilégiée dans ce dossier… », ou bien, « L’exigence d’une conservation intégrale du bâtiment et les suggestions de réutilisations incertaines et couteuses ne permettent pas d’assurer le devenir de cette architecture »… « La Ministre m’a chargé de saisir les services concernés »… etc…

Le bâtiment est gardienné sous l’autorité de la Direction des Finances Publiques des Hauts de Seine qui dépense 50.000€ par an depuis 2010, soit 300.000€ en 6 ans – autrement dit, beaucoup plus que les honoraires qui seraient payés à un bureau de contrôle en charge du suivi de l’opération de réhabilitation du site.

Plusieurs hypothèses de réutilisation ont été avancées. Par exemple, appuyées sur le « rapport Feltesse » (Concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture, à l’initiative de Mme Filippetti ), l’idée de prendre en compte la demande des écoles d’Ile de France et de Normandie, à savoir « La programmation d’un lieu pédagogique mutualisé partagé par les établissements de la région Ile de France et Normandie, destiné à l’expérimentation architecturale et constructive à l’échelle grandeur, analogue aux ateliers de l’Isle d’Abeau », ou bien, compte-tenu du ratio de 4,83m² SUB/étudiant à l’école de Paris La Villette ou du ratio de 5,13m² SUB/étudiant à l’école de Paris-Malaquais, le déplacement / recréation d’une école d’architecture.

D’autres pistes ont été réfléchies récemment comme le déménagement des salariés de l’Etat qui travaillent dans la tour de la Préfecture des Hauts de Seine où… « Il fait froid du premier janvier au 31 décembre,… les vitres n’ont pas été nettoyées depuis 2008 ». A cette occasion, le coût de la réhabilitation a été estimé à 20 millions d’euros TTC, incluant les honoraires de maîtrise d’œuvre, programmation, pilote, bureau de contrôle…etc. De même, l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Cergy Pontoise a besoin de s’agrandir…la piste d’un déménagement dans l’ancienne école d’architecture de Nanterre fait partie des solutions envisagées ...

Aucune de ces pistes n’a pour l’instant abouti.

Serge Kalisz