Lettre ouverte : pour un modèle alternatif de préservation du patrimoine francilien

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Le groupe Île-de-France de Docomomo France publie une lettre ouverte, rédigée conjointement avec Sites et Monuments et France Nature Environnement IDF

Pour un modèle alternatif de préservation du patrimoine francilien

Inspirées du Grand débat et notamment de la contribution des architectes, nos associations unissent leurs forces pour proposer un modèle alternatif de préservation du patrimoine francilien au sens le plus large. Dans le contexte actuel d'une crise systémique sans précédent, aussi bien écologique que sociale, et en ce vingt et unième siècle déjà bien entamé, il nous semble indispensable de plaider pour une approche globale et ambitieuse du patrimoine francilien. A nos yeux, celui-ci embrasse à la fois l'environnement et le paysage, agricoles et naturels, mais aussi l'architecture et l'urbanisme. Toutes ces composantes sont particulièrement mis à mal dans l'espace métropolitain de la région Île- de-France depuis quelques années et risquent de l'être plus encore dans les cinq années à venir.

La construction du Grand Paris Express, les dispositifs du type "Inventons la Métropole", les objectifs de construction de logements, les futurs Jeux olympiques et paralympiques, louables par ailleurs, menacent très clairement le patrimoine francilien par une densification générale et accélérée.

Tout se passe encore comme au vingtième siècle tout en prétendant à une approche "2.0". Ainsi la démolition-reconstruction d'éléments du patrimoine architectural et urbain - pourtant identifiés et reconnus parfois depuis des années - est encore à l'ordre du jour. On continue, de même, à artificialiser les sols et à urbaniser des terres agricoles ou des espaces naturels pourtant clairement identifiés comme à préserver au sein du Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) et ce, alors que tout la sphère professionnelle s'enthousiasme pour l'agriculture urbaine et l'écologie. Cette réflexion devrait d'ailleurs être menée dans une perspective d'aménagement du territoire, tant à l'échelle régionale que nationale.

Il nous faut désormais changer de paradigme et, enfin, ralentir ce processus peu ou mal encadré et encore moins débattu et voté par les citoyens franciliens.

Cela suppose :

  • Un moratoire sur les démolitions reconstructions des édifices et ensembles à caractère patrimonial identifiés par les labels de la région ou de la DRAC mais également à l'échelle territorial et communal, au titre du PLU I et du PLU, afin que la solution de la démolition ne soit envisagée qu'avec parcimonie et en ayant épuisé toutes les autres possibilités.
  • Une obligation de diagnostic énergétique enfin exigeant et raisonnable, pour une adaptation pertinente et soutenable économiquement des édifices et ensembles, avec l'appui des CAUE, dont les moyens doivent être renforcés pour développer une expertise indispensable proposant des solutions accessibles et réellement performantes sur le plan énergétique.
  • Un moratoire sur tout projet d'urbanisation des terres agricoles de type "Europacity", afin de maintenir cette activité dans l'aire métropolitaine, mais aussi au-delà, et favoriser le local et les circuits courts.
  • Un moratoire sur tout projet d'urbanisation des espaces naturels, notamment de type carrière, qui sont autant de poumons verts et de corridors écologiques identifiés au SDRIF.
  • La constitution, enfin, d'une instance régionale réunissant l'ensemble des acteurs du secteur, professionnels, associations et élus afin que puissent être examinés dans un cadre ouvert, les grands projets en cours et leurs incidences.

Paris, le 18 juin 2019

Docomomo France  Sites et Monuments  France Nature Environnement IDF